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Dans la profondeur de l’ACP avec Carl Rogers

Texte de Carl Rogers 

« J’ai un peu peur de lui, de pénétrer ses pensées qui sont en lui, comme j’ai un peu peur des profondeurs qui sont en moi. Pourtant, en l’écoutant, je commence à éprouver un certain respect pour lui, à sentir que nous sommes parents. 

Je devine combien son univers lui paraît terrifiant, quelle tension il met à essayer de le contrôler. Je voudrais sentir ses impressions, qu’il sache que je le comprends.

Je voudrais qu’il me sache près de lui, dans son petit univers compact et resserré, capable de regarder cet univers sans trop de frayeur. Je puis peut-être le lui rendre moins dangereux.

J’aimerais que mes sentiments dans ce rapport avec lui soient aussi clairs et évidents que possible, afin qu’il les reçoive comme une réalité discernable à laquelle il pourra retourner sans cesse. 

Je voudrais entreprendre avec lui cet effrayant voyage en lui-même, au sein de la peur ancrée en lui, de la haine, de l’amour qu’il n’a jamais réussi à laisser l’envahir.

Je reconnais que c’est un voyage très humain, et imprévisible pour moi, aussi bien que pour lui, et je risque, sans même savoir que j’ai peur, de me rétracter en moi-même devant certains des sentiments qu’il découvre.  

Je sais que cela imposera des limites dans ma capacité à l’aider. 

Je me rends compte que ses propres craintes peuvent par moment l’amener à voir en moi un intrus, indifférent et repoussant, quelqu’un qui ne comprend pas.

Je veux accepter pleinement ses sentiments en lui, tout en espérant que mes propres sentiments éclateront si clairement dans leur réalité qu’avec le temps, il ne pourra manquer de les percevoir. 

Et surtout, je veux qu’il rencontre en moi une personne réelle.

Je n’ai pas à me demander avec gêne si mes propres sentiments sont “thérapeutiques”.

Ce que je suis et ce que je sens peut parfaitement servir de base à une thérapie, si je sais “être” ce que je suis et ce que je sens, dans mes rapports avec lui de façon limpide.

Alors il arrivera peut-être à être ce qu’il est, ouvertement et sans crainte. »

Carl Rogers

1 juin 2024