Le Blog
Qu’est-ce que le partenariat en Focusing ?
Texte de Eugene T. Gendlin, fondateur du Focusing.
Plusieurs personnes, partout dans le monde, pratiquent le Focusing en partenariat. Cela signifie qu’elles reçoivent une demi-heure d’attention d’une autre personne, puis elles donnent à la personne une demi-heure de leur attention, au moins une fois par semaine à une heure régulière, soit en personne ou au téléphone.
La plupart des gens utilisent ce temps pour travailler leurs principales préoccupations du moment, soit en termes d’expérience intérieure ou de cheminement personnel. Il peut toutefois aussi bien s’agir d’une lettre difficile à écrire, d’une étape de leur travail ou de toute autre question qui leur semble prioritaire.
Votre partenaire ne vous offre ni conseils, ni jugements, ni commentaires. Nous avons appris qu’une personne ira plus en profondeur et parviendra à de nouvelles étapes créatives, si l’écoutant se retient d’ajouter quoi que ce soit. Les jugements, les conseils et les commentaires sont l’expression de la personne qui les donne et non de celle qui est écoutée.
Votre partenaire ne qualifiera pas votre parole de superficielle, insensée, ou erronée ou encore de faible ou égoïste, pas plus qu’il ou elle ne renforcera un aspect de ou en condamnera un autre en vous ou dans ce que vous dites.
Les partenaires doivent seulement dire lorsqu’ils ne peuvent plus vous suivre, de telle sorte que vous puissiez reformuler ce que vous avez dit. Ils portent cependant une attention soutenue à ce que vous dites afin de pouvoir en saisir tous les replis. Il n’est pas question de plonger, de sonder ou de chercher à entrer plus profondément dans ce que vous dites. Ce qui importe c’est ce que vous avez l’intention de dire, ce que vous voulez apporter.
Parfois les partenaires peuvent répéter et vérifier : «Vous dites…». Bien sur, ils ne font pas que répéter les paroles. Ils prennent d’abord le temps d’intégrer ce que vous avez dit, de le ressentir en eux jusqu’à ce que ce qu’ils en arrivent à «hummm… ca fait du sens». Alors seulement ils peuvent le redire, de telle sorte que vous puissiez le ressentir et l’ajuster jusqu’à ce que vous ayez pu transmettre exactement ce que vous vouliez transmettre. Cette «écoute réflexive» est une habileté́ que chacun peut apprendre. Mais plusieurs partenaires vous indiqueront simplement lorsqu’ils vous suivent et lorsqu’ils ne vous suivent plus.
Vous constaterez alors que vous pouvez être avec vous-même d’une manière qui ne vous est pas possible la plupart du temps. Vous n’y arrivez pas parce que les autres ont généralement besoin de quelque chose et le demandent, ou bien ils ont une quelconque influence sur vous. Vous ne pouvez non plus, vous ressentir vous-même aussi facilement et aussi profondément lorsque vous êtes seul.
Si vous parlez, ou ne faites même que penser, à une situation de travail en présence de votre partenaire, vous découvrirez que vous pouvez y penser plus clairement. Si vous parlez de quelque chose qui vous rend heureux, ce ressenti s’épanouira en vous et vous en serez encore plus heureux. Si vous parlez d’un problème personnel, vous constaterez qu’avec cette attention sécuritaire, il vous deviendra possible d’entrer en vous, dans cette «affaire non résolue». De nouvelles étapes et de nouvelles possibilités apparaitront alors, là où vous étiez bloqué. Cela se produit même si vous restez tranquille, en silence, après avoir simplement dit que vous travaillez sur quelque chose.
Vous inversez ensuite les rôles. Maintenant c’est vous qui écoutez. Vous n’êtes pas censé́ faire preuve de sagesse, savoir ce que la personne doit faire, ni comment elle doit vivre. Vous n’avez pas à être en accord ou à approuver ce que la personne ressent ou ce qu’elle dit. Vous le ressentez afin de savoir si vous le comprenez. Vous y pensez un moment afin de parvenir à un oui, bien sur, vous savez ce que la personne veut dire. Vous donnez pleinement votre attention et votre présence, de telle sorte que les sentiments et les impressions de la personne puissent émerger. Le sens de ce qui émerge demeure souvent énigmatique et inarticulé́ et un temps de silence sera nécessaire pour que la personne puisse le ressentir et qu’une voie s’ouvre en elle pour aller plus loin. Parce que vous savez ce qui se passe, vous ne vous préoccupez pas de ces quelques minutes de silence. Vous savez qu’il n’est pas nécessaire de tout dire ce qui se passe intérieurement.
Est-ce sécuritaire?
Pouvez-vous penser à vous confier à quelqu’un qui n’en sait pas plus que vous et peut- être même moins ? La confiance peut certainement se développer, mais, dans un partenariat, vous ne vous «confiez» pas à qui que soit. Vous demeurez, de toute évidence, responsable de votre vie et de votre processus.
Personne ne peut, en fait, être délogé́ du siège du conducteur de sa propre vie. Chaque personne, dans le partenariat en Focusing, est entièrement consciente que l’autre ne fait pas autorité́ . Il n’y a pas d’argent qui s’échange. Il n’y a pas d’expert. Une stupidité́ est facilement reconnue comme telle et abandonnée. De la part d’un partenaire, vous ne supporterez pas 10 minutes ce que de nombreux patients supportent pendant des années de la part de thérapeutes accrédités. Une personne en partenariat changera de partenaire ou bien cessera simplement les rencontres bien avant d’être blessée.
Le partenariat n’est pas une thérapie mutuelle, c’est un nouveau modèle. Il s’agit d’une relation particulière dans laquelle vous pouvez vous sentir en sécurité́d’être qui vous êtes. Cette relation n’est pas basée sur la sympathie ou sur un intérêt partagé. Elle n’est basée en fait sur aucun contenu. Elle est basée sur le partage d’un certain type de processus. Votre vie professionnelle et votre vie intérieure peuvent être accompagnées sans qu’on leur marche dessus. C’est vous qui devez évaluer le bien fondé d’une expérience vécue en partenariat. La sensibilité́ , la confidentialité́ et une éthique profondément ressentie se développent dans presque tous les partenariats.
Est-ce que j’ai ce qu’il faut pour être en partenariat avec quelqu’un?
Deux éléments sont requis – mais chaque être humain les possède. Le premier élément est la capacité́ de se taire – de rester tranquille et d’accompagner l’autre de manière non intrusive. Lorsque l’autre personne parle, nous refrénons notre impulsion à imposer quoi que ce soit. Il faut ainsi mettre de coté́ nos excellentes idées, nos interprétations, nos suggestions et notre désir amical de rassurer l’autre ou de lui dire ce que nous avons fait dans une situation semblable. Lorsque l’autre personne est tranquille, cela signifie aussi de rester attentif à la personne sans rien entendre d’intéressant.
Le deuxième élément est d’offrir de la compagnie à un être humain. Vous avez cette capacité́ parce que vous êtes un être humain. Vous n’avez pas besoin d’être tout à fait bon ou sage ou d’avoir toute autre qualité́spécifique. Être humain ne requiert aucune habileté́ spéciale. Vous n’avez qu’à être là.